Avec cette année pour mot d’ordre : « Les droits des personnes trans sont une urgence. Stérilisations forcées, Agressions, Précarité : Stop » qui résonne dans les Prides jusqu’à Tel Aviv, nous avons voulu vous présenter le témoignage de Cyane qui s’est engagée dans cette nouvelle vie.
Cyane, peux-tu nous parler de toi ? Comment et quand est survenu ton coming out trans ?
Je m’appelle Cyane Dassonneville, je suis conseillère en insertion professionnelle dans une Mission locale des Hauts de France, j’ai 53 ans, divorcée et père de trois enfants.
C’est après mon divorce et un burn out professionnel que je me suis posée un certain nombre de questions pour tenter de répondre à un mal être récurrent et ce depuis ma prime enfance, j’avais alors 49 ans.
J’ai alors, compris que ce qui me posait problème c’était de me conformer à un genre qui m’avait été assigné dans lequel je ne me reconnaissais pas, restait à prendre une décision : je continuais et ne serais jamais heureuse ou je commençais une transition avec toutes les conséquences que cela implique dans ma vie sociale tant sur le plan personnel que dans les rapports avec mon environnement et mes proches.
La première personne à qui j’en ai parlé était ma sœur puis le reste de ma famille et mes amis, passé l’effet de surprise, ils semblaient me comprendre, les doutes et les questionnements sont arrivés quelques mois plus tard lorsque les premiers signes de changement sont apparus, les premières désertions aussi, petit à petit certains se sont éloignés, ne donnant plus de nouvelles.
Pourrais-tu nous parler de ton parcours , de ta transition ?
Comme le diront la plupart d’entre nous, c’est un parcours du combattant. Dans un premier temps, lorsqu’on démarre le traitement hormonal, on guette les signes de métamorphose non sans une certaine impatience, pour ma part, ayant une transition tardive, je portais en moi la honte et la culpabilité de ce que je vivais depuis des décennies sans oser en parler, de fait, sortir dans mon genre était une épreuve particulièrement difficile, assumer ma condition « trans » aura été une succession de challenge qui, finalement, m’a beaucoup apporté dans ma construction identitaire.
On a tendance à croire que la transition c’est aller du masculin vers le féminin ou l’inverse, personnellement je crois que c’est une erreur générant des frustrations, c’est enlever un masque pour en remettre un autre, un leurre.
La transition c’est avant tout un voyage vers soi, une rencontre avec sa nature profonde et la recherche du meilleur de soi-même, certes mon genre social est féminin mais je suis Cyane avant tout et Cyane est une femme (dans un cadre binaire) trans (en tant que militante et anatomiquement) que je situe au –delà des stéréotypes imposés par une société qui s’imagine encore que ses composantes ne peuvent que se diviser en deux catégories.
Aujourd’hui, je ne changerai pour rien au monde, j’ai trouvé mon équilibre, j’ai un positionnement clair en moi et vis-à-vis des autres, je suis une femme trans et je l’assume pleinement même si mes papiers d’identité sont toujours ceux d’origine, ce qui ne va pas sans poser problème au quotidien.
Quel a été le moment le plus dur et ta plus grande joie dans ton parcours, de ta transition ?
Il y eu de étapes, chaque challenge pour vivre ma transidentité a généré autant de joies que de moments difficiles.
Je me souviens de ce que me dis mon père et ce fut ses dernières paroles, il est décédé quelques mois plus tard : « Tu étais un beau mec, tu seras une femme moche » ces paroles ont résonné longtemps en moi à chaque passage devant le miroir.
Ma plus grande joie, c’est chaque matin lorsque je me réveille et prend conscience de la chance que j’aie de vivre cette expérience unique et singulière, de la vivre sans honte, sans culpabilité, d’être reconnue comme telle dans le regard des autres avec ce sentiment merveilleux d’être vraiment moi.
Récemment, avoir participé à une scène ouverte pour présenter deux chansons que j’ai composé avec d’autres prestations en perspective.
Pourrais-tu donner deux trois conseils essentiels à des personnes entamant un parcours trans , une transition ?
Médicalement, s’adresser aux bonnes personnes et éviter les conseils de certains pairs qui généralisent en fonction de leurs parcours, chaque corps est différent, chaque transition est unique.
Ne pas négliger la transition « psychologique » se poser les bonnes questions, être sincère avec soi-même, si nécessaire, ne pas hésiter à se faire accompagner dans cette démarche, un regard extérieur est souvent plus objectif que celui que l’on se porte.
Etre patiente, entre les différentes étapes le temps peut paraitre long, c’est l’occasion de travailler sur le point précédent et surtout de penser à son avenir, la transition n’est pas une n en soi, la vie ne s’arrête pas, penser à sa vie professionnelle, ne pas s’isoler, développer son réseau social et amical, participer aux activités des associations…
Quel est selon toi le combat prioritaire de la communauté trans ?
Le changement d’état civil libre et gratuit, la dépsychiatrisation et sur le long terme changer le regard de la société sur les trans et ça passe par une visibilité dans les médias, les entreprises, l’éducation, l’administration…
Nous devons être partout pour que le regard s’habitue à notre présence, que l’on voit la personne avec ses qualités, ses compétences avant de voir là où le trans, ce sont nos enjeux au sein de l’association En Trans dont je suis trésorière.