Importé des Etats-Unis par Lasseindra Ninja, le voguing apparaît à Paris, en 2005. Dans une société anti-communautariste, il peine à trouver sa place mais finit par s’imposer. Aujourd’hui, Paris est la seconde plus grande ballroom scene après New York et continue de porter un message.
Inspiré des poses de mannequins, le voguing naît à New York au milieu des années 1950-60, en plein quartier d’Harlem. C’est en réaction aux discriminations faites aux drag-queens, homosexuels et personnes trans afro-américaines, à la fois par les hétéros et la communauté LGBT+ « blanche », que le mouvement contre-culturel voit le jour. Progressivement, la communauté crée ses propres codes, des houses naissent une à une : Xtravaganza, LaBeija, Aviance ou encore Ninja. Les membres de la communauté de voguing se retrouvent chaque soir pour des compétitions dans les salles souterraines de New York. La ballroom scene prend forme, c’est le point de départ vers la naissance d’une réelle identité.
Au début des années 1980, le Voguing connaît une véritable apogée grâce au clip de Madonna, Vogue. Plus tard, un film documentaire, Paris is Burning, met en lumière l’histoire de cette communauté, portée par une immersion dans la ballroom scene New-Yorkaise et des témoignages authentiques et percutants. En réaction à cette illustration socio-culturelle, la mode et le show-business s’emparent rapidement du voguing et en font des dérivés artistiques, comme le shablam, sans être sensibles à leurs valeurs. « Les blancs se sont emparés d’un phénomène qu’ils ne connaissent pas », a exprimé Lasseindra Ninja pour Numéro Magazine. Aujourd’hui, le voguing continue à véhiculer ses messages et faire de la résistance en France, comme dans le reste du monde. Car, comme l’a confiée Lasseindra Ninja, « tant qu’il y aura du racisme et de la discrimination, ce mouvement perdurera … ».
Membre à part entière de la House of LaDurée, unique maison de voguing Française, depuis 2013, Nicolas, aka Madame B (Madame B like a Bitch) nous partage sa vision de la ballroom scene Parisienne. Une occasion de se plonger dans les coulisses d’une communauté de plus en plus ancrée en France.
Madame B, quelle est votre histoire avec le voguing ?
J’ai connu le voguing lors d’un séjour à Paris. J’ai dans un premier temps commencé devant mon miroir avant de me présenter à un ball, auquel je me suis fait recaler. Suite à cela, Mother Rheeda, Mother de la House of LADURÉE, m’a pris sous aile et m’a formé au sein de la house.
Votre house a-t-elle une approche particulière au Voguing ?
Une House est une famille, on y retrouve les mêmes valeurs, dans chacune d’entre elles…On est juste Made in France. Les règles sont les mêmes en France et aux États-Unis, bien qu’on ne vive pas la même réalité.
Le voguing constitue-il le meilleur moyen de véhiculer un message positif auprès de la communauté ?
La Ballroom est un lieu de célébration et d’émancipation pour chacun. Il n’y a que du positif à en tirer. En ce qui me concerne, je puise ma force auprès de ma famille, ma house, ma communauté. Le reste importe peu.
Les médias, les événements grand public et les personnalités influentes s’approprient ou s’inspirent de plus en plus du Voguing. N’avez-vous pas peur que le voguing perde de son essence ou, au contraire, qu’il puisse encore se renouveler pendant de longues années ?
Rien de tout ça n’est nouveau. D’autres avant se sont inspirés de la culture ballroom ou ont essayé de se l’approprier. Quand il y a exposition via les médias/réseaux sociaux, ça engendre forcément ce genre de conséquences….
Nous, vogueurs et sympathisants, devons rester fidèles au caractère underground de la culture, tout étant un minimum connecté au monde extérieur. Chose que nous faisons assez bien. La ballroom a les épaules solides.
Dans dix ans, comment voyez-vous l’évolution du Voguing ?
Le Voguing existait bien avant ma naissance, certaines règles sont ancrées et ne changeront pas. L’avenir nous le dira… Mais, j’espère surtout que le voguing sera enfin reconnu aux yeux de tous comme une culture à part entière.
C’est à nous de conserver ce qu’il y a de bon pour notre communauté, notamment en la préservant de toute forme d’usurpation ou d’appropriation de la part des blancs, comme ça à pu être le cas pour d’autres cultures afro latino.
L’info en plus :
Depuis octobre 2019, La House of LaDurée est tête d’affiche de la soirée Paris is Dancing.