Il est des spectacles qui s’imposent comme une évidence. Plébiscité cet été, au Festival Off d’Avignon, La machine de Turing se joue aujourd’hui à Paris, au Théâtre Michel. Le destin méconnu de cet Anglais visionnaire, à l’origine des premiers ordinateurs, victime de sa différence, a conquéri et bouleversé les spectateurs. Une perle rare qui mérite de rafler tous les Molières.
« Alan Turing. 40 ans. Sans enfants. ». C’est ainsi que cet homme, un peu autiste sur les bords, se présente au flic lors d’une déposition pour vol. Mais qui est-il réellement ? Un espion soviétique comme le soupçonne son interlocuteur ? Un être trop en marge pour être pris au sérieux ? Ou tout simplement un génie des mathématiques mésestimé dont le jusqu’au-boutisme fut le point de départ de notre ère numérique ? Au gré d’un interrogatoire et de flash-back qui nous tiennent en haleine, se dessine la figure d’un être trop différent pour être accepté et aimé pour qui il était. Finalement condamné pour homosexualité, il choisit la castration chimique avant de se suicider en croquant une pomme empoisonnée. La Machine de Turing plante ainsi le décor de toute sa trame.
LE JEU DE L’IMITATION
Tout excelle dans La Machine de Turing, à commencer par son sens du récit. Plutôt que de se limiter à une simple juxtaposition de faits, la pièce les met en perspective pour mieux les interroger. L’obsession de Turing pour les mathématiques reflète son incapacité à trouver sa place et un sens à son existence. Plus encore, Christopher, l’ordinateur créé pour décrypter les codes de l’armée allemande devient une métaphore de ses blessures profondes, celles liées à la perte d’un amour de jeunesse, que Turing tentera de ressusciter par l’entremise de cette « intelligence artificielle ».
« Le seul véritable crime c’est la honte de soi et le conformisme »
Porté par la mise en scène d’un Tristan Petitgirard à l’allégresse cinématographique, Benoît Solès [également auteur du texte] s’empare du rôle-titre avec la ferveur d’un chant d’amour qui déclinerait toutes les émotions possibles. À ses côtés, Amaury de Crayancour jongle d’une partition à l’autre avec tout autant de talent. On ressort touchés au cœur par cet éloge de la différence, qu’une réplique, si vraie, résume à elle seule : « Le seul véritable crime c’est la honte de soi et le conformisme ». Les livres d’histoire l’ont trop longtemps rayé , on ne pouvait donc rêver plus bel hommage.
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ÇA PARLE DE QUOI ?
L’incroyable destin d’Alan Turing, mathématicien anglais. Par son génie, il brisa le code d’Enigma. La machine permettait aux Allemands d’échanger des données secrètes pendant la Seconde Guerre mondiale.
PLUS D’INFOS :
Au Théâtre Michel 38, rue des Mathurins – Paris [VIIIearr.] Du mardi au samedi à 21 h, le dimanche à 16 h