Adaptation du best-seller de Marie Cardinal, la proposition signée par Jade Lanza (à la fois auteure de la pièce, et interprète de Marie) et Frédéric Souterelle pour la mise en scène, nous plonge au début des années 60. Une époque où la gent féminine avait comme unique possibilité, celle de devenir mère et où la psychanalyse n’était réservée qu’aux malades mentaux. Osant s’affranchir de la norme, l’héroïne va se confronter à ses démons pour finalement devenir une femme libre, affranchie de son passé et des diktats de la société. Se déroulant à la veille de la libération de la femme en 1968, la pièce résonne aussi terriblement avec notre époque actuelle… Utile.
Par Grégory Ardois-Remaud
Guérir l’enfance pour enfin devenir adulte. A notre époque, cela peut paraître banal, mais dans les années 60, soigner les maux de l’esprit était encore réservé à la médecine psychatrique. Si la pièce augure de la future démocratisation de cette pratique, elle nous montre également l’avènement prochain de la femme dans la société. En effet, la pièce prend le parti de se centrer sur la naissance de Marie, et finalement à travers cet exemple précurseur, de l’ensemble de la gent féminine, coincée jusque-là dans les traditions, et n’ayant aucun droit de se dire.
Un texte féministe donc, intime également, mais finalement universel. A travers une interprétation profondément habitée, et un regard par lequel passe la diversité des émotions de la pièce, Jade Lanza (Marie) distille une leçon d’histoire et de courage, jamais monotone, toujours intense, aidée par une mise en scène subtile et inventive. A noter également le joli duo que compose l’héroïne avec sa mère (jouée par Françoise Armelle), femme d’un temps où les femmes étaient cantonnées à la maternité, dont les souvenirs l’aideront pourtant à devenir et à enfin fermer la porte sur le passé.
« Un texte féministe donc, intime également, mais finalement universel »
Avec cette pièce, le mot prend finalement naissance dans le monde moderne, pour enfin trouver son pouvoir, celui qu’il trouvera quelques années plus tard de façon banale dans le cabinet de notre psychothérapeute. C’est donc à la naissance d’une nouvelle société que nous assistons, où l’on a enfin le droit d’écouter nos émotions, d’être, et où les femmes entrevoient enfin la liberté. Une lutte loin d’être achevée cinquante ans plus tard.
PLUS D’INFOS
Les Mots pour le dire, au Théâtre de l’Archipel jusqu’au 26 avril
CA PARLE DE QUOI ?
Après plusieurs revers de la médecine traditionnelle et en dépit des préjugés de son époque, Marie a recours à la psychanalyse plutôt qu’à la chirurgie. Chez son psychanalyste, la trentenaire vide donc régulièrement le sac de ses souvenirs les plus intimes.
Elle y fait revivre les personnages qui jadis ont peuplé son enfance abîmée : ses parents, son frère, la gouvernante, le marchand d’habits, etc. Mais certains fantômes du passé ont la vie dure…