De son vrai nom Alex Bronnings, l’artiste parisien nous fait fantasmer avec ses beaux mâles musclés en 3D qui semblent plus vrais que nature! Pour Qweek, il revient sur son parcours et ses influences.
Propos recueillis par Nicolas MAILLE
QU’EST-CE QUI T’A AMENÉ À FAIRE DES MECS EN 3D ?
J’ai passé un bac scientifique, mais j’ai changé de voie pour faire les Beaux-Arts. J’ai obtenu mon diplôme de cinquième année à Nantes. L’enseignement était très traditionnel, pas de 3D là-bas. Il faut dire que c’était de 1992 à 1998 et la 3D n’était pas encore très répandue…
J’ai travaillé, ensuite, en freelance pour des agences événementielles. Fin 2009 la crise des subprimes a touché mes principaux clients. J’ai eu du temps libre pour apprendre la 3D qui m’a toujours fasciné.
J’AI LU QUE, JUSTE APRÈS TES ÉTUDES, TU AVAIS AUSSI ENVOYÉ DES PROPOSITIONS DE DESSINS À MARVEL…
Oui, c’était en 1999. J’ai posté ensuite ces images sur des forums – les débuts du Net pour moi – et j’ai eu des demandes pour faire ce genre de personnages… mais sans les costumes ! Aujourd’hui, je ne lis plus trop de comics. Je craquais totalement sur Colossus [l’un des X-men] quand j’étais jeune… Maintenant, je suis plutôt mangas. One Punch Man est certainement mon préféré.
« L’héritage de Tom of Finland est tellement énorme que c’est difficile, pour un artiste qui fait de l’homo-érotisme, de ne pas être associé à lui. »
TU AS TOUJOURS CRAQUÉ POUR LES MECS MUSCLÉS ?
Oui, je crois bien… Je ne sais pas trop d’où ça vient mais j’ai toujours été attiré par les mecs costauds. J’aime cette forme de beauté, cette virilité sublimée. Surtout si elle s’accompagne en même temps d’une tendresse, d’une chaleur, d’une douceur.
Les mecs musclés arrogants me laissent froid. J’aime les beaux mecs qui s’ignorent, ceux qui sont baraqués mais gardent leurs t-shirts en soirée. Je faisais beaucoup de mecs musclés secs avant. J’essaie d’apporter plus de rondeurs aujourd’hui, plus de physiques différents. Mais toujours avec du muscle [rires]!
TU TE VERRAIS FAIRE DES MINETS?
Un jour… peut-être. Mais il sera un tantinet musclé quand même [rires] !
COMMENT CHOISIS-TU LES MODÈLES QUI INSPIRENT TES PERSONNAGES ?
Ça va dépendre de mes envies, de mes découvertes. Parfois, je combine des personnes que je vois sur les réseaux sociaux – la bouche de l’un, les yeux d’un autre – et parfois, je me sers d’une référence directe. Il m’arrive aussi de sculpter un visage au feeling. Il n’y a pas de recette et c’est ça qui est chouette.
« La lutte contre le Sida est une cause qui me tient à cœur, tout comme la lutte contre l’homophobie. »
COMBIEN D’ŒUVRES RÉALISES-TU PAR MOIS?
J’essaie de faire quatre images par mois. Environ une image par semaine, donc, sachant qu’une image me prend entre deux à douze jours pour être réalisée. Tout dépend de sa complexité, du nombre de personnages, des habits, du décor, du temps de calcul et autres problèmes techniques…
CE QUE TU FAIS, C’EST UN PEU DE LA SCULPTURE NUMÉRIQUE, NON ?
En effet. J’ai encore tellement de choses à découvrir et il y a tellement de technologies prometteuses… Mais il me manque quand même le travail de la main, ce rapport plus direct avec la matière. Je me remets doucement à la sculpture « réelle ». Peut-être que, d’ici quelque temps, je pourrai montrer de vraies sculptures de mes personnages.
QUAND ON VOIT TES ŒUVRES, IL EST DIFFICILE DE NE PAS PENSER À TOM OF FINLAND QUI AVAIT AUSSI CETTE FACULTÉ À SUBLIMER LA VIRILITÉ DES GARÇONS. IL EST UNE INFLUENCE IMPORTANTE POUR TOI ?
La découverte de cet artiste a été un véritable choc, une révélation. Plus jeune, je dessinais déjà des hommes musclés mais je gardais cela pour moi. Cela a duré jusqu’aux Beaux-Arts. Et là, à la Fnac de Nantes, je suis tombé sur un livre de Tom of Finland. J’étais halluciné par la beauté de ses images mais aussi par ce qu’elles véhiculaient vis-à-vis du corps masculin.
« J’aime les beaux mecs qui s’ignorent, ceux qui sont baraqués mais gardent leurs t-shirts en soirée. »
L’héritage de Tom of Finland est tellement énorme que c’est difficile, pour un artiste qui fait de l’homo-érotisme, de ne pas être associé à lui. Tant son style que les sujets de ses images sont devenus sa marque de fabrique. C’est pour cela qu’il a influencé, si profondément, la culture gay.
CERTAINS COMPARENT AUSSI TES IMAGES À DU « PIXAR POUR GRANDS ENFANTS ». À QUAND UN COURT-MÉTRAGE D’ANIMATION ?
Ce serait un aboutissement mais un film d’animation demanderait une équipe assez importante. Aujourd’hui, je travaille seul… et payer une équipe coûte forcément cher… Après, l’autre question c’est : « pour raconter quoi ? »
TON TRAVAIL EST, EN GRANDE PARTIE, MÉDIATISÉ PAR LES RÉSEAUX SOCIAUX COMME INSTAGRAM. EST-CE QUE C’EST FACILE DE COMPOSER AVEC LEUR POLITIQUE DE CENSURE ?
Mes images, même habillées et floutées, sont régulièrement signalées sur Instagram. La plateforme les supprime sans même contrôler qu’il n’y a en fait rien de répréhensible. À force, mon compte pourrait être mis au ban et la visibilité de mon travail deviendrait quasi nulle…
Je ne suis pas le seul, loin de là, à rencontrer ce genre de problèmes. Beaucoup d’autres illustrateurs LGBT subissent la même chose.
SANS PARLER DE TUMBLR, QUI ÉTAIT UN ESPACE D’EXPRESSION POUR DE NOMBREUX ARTISTES ET QUI A RÉCEMMENT DÉCIDÉ DE CENSURER LES CONTENUS TROP EXPLICITES…
C’est triste de voir une plateforme revenir en arrière sur ce genre de politique. Il y a un sentiment de régression, sur ce qui est permis, qui est terrible.
ON TE SENT AUSSI TRÈS ENGAGÉ POUR LA LUTTE CONTRE LE SIDA, COMME LE MONTRENT PLUSIEURS DE TES IMAGES…
Oui, c’est une cause qui me tient à cœur, tout comme la lutte contre l’homophobie, d’ailleurs. Je travaille bénévolement avec Sidaction depuis le début des années 2000. J’ai fait de la prévention et de la sensibilisation aux problématiques VIH/Sida en école, dans la rue, même dans des TGV lors une action en partenariat avec la SNCF. J’ai ensuite découvert Basiliade, une association qui aide et accom- pagne les personnes, en situation précaire, touchées par le VIH.
AU PRINTEMPS DERNIER, LA LIBRAIRIE LES MOTS À LA BOUCHE T’A CONSACRÉ UNE EXPOSITION. QUELS SOUVENIRS EN GARDES-TU ?
Un beau moment de rencontre. Une longue préparation, pour la sélection et l’impression des images. L’aide de mes amis pour pré- parer et accrocher les images encadrées… L’équipe des Mots à la Bouche a été top et continue de l’être aujourd’hui (Ils vendent mes calendriers et mes cartes postales). C’était vraiment bien rencontrer ces gens qui suivent mon travail depuis parfois plusieurs années. À la même période, mon travail a été exposé à Metz lors du festival LGBT précédent la Gay Pride. Je referai une autre exposition, mais pour l’instant, rien n’est planifié.
TU AS AUSSI DÉVELOPPÉ DES PRODUITS DÉRIVÉS. PEUX-TU NOUS EN DIRE PLUS ?
Le premier calendrier, vendu sur Etsy, a été réalisé en 2017, suite à des demandes de followers, notamment sur Instagram. Ce sont les internautes qui votent pour les images qu’ils veulent voir à l’intérieur. J’ai aussi une boutique sur le site Redbubble où je propose des posters, mugs, t-shirts, housses de couettes…
COMMENT FAIRE POUR SOUTENIR TON TRAVAIL?
Aujourd’hui, je gagne ma vie grâce à Patreon, une plateforme de mécénat participatif. Les gens qui aiment mon travail peuvent me soutenir ici, sous forme de dons mensuels. Plus le don est important, plus ils ont de récompenses à la clé (des vidéos, des fonds d’écran, des rendus supplémentaires, etc.). Sans ce site, il n’y aurait pas de mecs en 3D… Je vais aussi faire une campagne kickstarter, en mars, pour éditer mon premier livre d’illustrations. Cela va être une belle aventure, j’en suis sûr !
PLUS D’INFOS :
www.albronmuscle.com
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Instagram : albron111