Élu « Coup de Cœur du Jury » lors de la remise du Prix du Roman Gay, il y a quelques mois, cette première œuvre de Louis Arjaillès saisit. Les corps fébriles se croisent, y jouissent parfois, tandis que les émotions frémissent dans une France des années 60 où la jeunesse est encore prise entre ses vieux carcans et sa soif de liberté.
« On m’a confié un journal intime d’adolescent, maladroit, mais sincère […] À partir de ce journal assez succinct, j’ai laissé libre cours à mon imagination, créant des personnages, en essayant de garder la fraîcheur du texte primitif », explique l’auteur concernant la genèse de son roman. Si la fraîcheur abonde en effet, de par les premiers émois de Paul, jeune narrateur de 14 ans, la chaleur surnage l’ensemble d’un récit touchant. Une chaleur enivrante, suffocante, parfois menaçante…
« Laisse-toi aller, laisse-toi aimer »
Il faut dire qu’au-delà de la justesse de l’écriture, la tension n’en finit pas de nous enivrer, quitte à nous faire chanceler. Une tension érotique tout d’abord. Les corps se dévoilent encore vierges, se cherchent, hésitent, s’apprivoisent, parfois maladroits, parfois plus assurés. Les descriptions physiques sont nombreuses et vous plongent dans les souvenirs fébriles et troublants des premières étreintes caniculaires. La tension adolescente des passions s’installe, elle aussi, rapidement au sein du quatuor des personnages principaux : entre coups de cœur, faux semblants et amitiés des plus ambiguës.
Les jeunes ados semblent se débattre dans des certitudes vides de sens. Enfin, après avoir joué les oiseaux de mauvais augures, la tension menaçante finit par assaillir le récit. Les années 60, autre personnage principal de l’œuvre, dessine une société entre deux eaux aux conséquences dévastatrices.
La libéralisation des mœurs de 68 n’a pas encore eu lieu et, malgré les frémissements, les qu’en dira-t-on, l’homophobie intégrée, la jalousie dévastatrice menacent jusqu’au moment où…
« T’as dit à personne qu’on avait fait les pédés, j’espère ? »
Si la fin peut paraître abrupte ou laisser une impression d’inachevé, ce roman se laisse déguster avec gourmandise et frénésie. Idéal pour les premières lectures du printemps sur les pelouses des Buttes Chaumont ou du Palais du Luxembourg.
Le pitch ?
Issu d’un journal intime retrouvé, ce livre nous plonge au cœur de la fin des années 60, dans une petite ville du sud de la France. À 14 ans, Paul partage son temps entre sa scolarité et des études de piano qui le mèneront, espère-t-il, à une carrière de concertiste. Issu d’un milieu populaire, il croise la route de Victor, garçon volubile, volontiers bagarreur, archétype du fils de famille en rupture de ban, avec lequel il découvre sa sexualité différente.
Si, pour Victor, ces épanchements ne sont qu’un jeu, ils augurent, pour Paul, d’une part essentielle de sa future vie d’homme. Victor, ce gamin gouailleur, fils de notable, sera son premier amour. Mais un ange noir veille et sera à l’origine d’un drame aux funestes conséquences.
Par Grégory Ardois-Remaud
PLUS D’INFOS :
Tombe, Victor, de Louis Arjaillès . Éditions Édilivre.
LÉGENDES
Pour les aquarelles : Jean-Christophe Herbeth
Pour la couverture : Jonathan Wateridge