Homme plein d’initiatives qui bouscule l’approche de notre santé et parfois dérange, homme de terrain que l’on voit finalement peu ailleurs, homme de conviction et proche de ses équipes et grande gueule… nous sommes allés à la rencontre de Jérôme, directeur de cette association, sur le terrain, dans un bois près des Yvelines, pendant une intervention.
Peux-tu nous parler de la mission de HF Prévention que tu diriges ?
Créée en 2004, HF Prévention est une association nationale de prévention santé.
Nous avons de nombreuses actions innovantes dans le domaine de la santé sexuelle : les IST, le vih/sida, les hépatites et, depuis peu, les problématiques liées au diabète, la nutrition et aux maladies cardio-vasculaires. Nous sommes dans une approche où nous considérons qu’il ne peut y avoir un seul et unique message de prévention globale, mais plutôt une approche de prévention sur mesure : nous sommes tous différents et il convient de faire de la prévention comportementale, en plus de la prévention diversifiée. Nous aimons innover et proposer des animations de prévention hors du commun.
Seconde association de prévention en France, vous êtes pourtant peu connus des LGBT, pourquoi ?
HF Prévention est le 2nd opérateur de prévention et de dépistage en France. Nous avons de nombreuses actions de terrains auprès des HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) non identitaires (hétéros mariés, pères de famille et autres hommes ne se considérant pas comme gays) dans les régions Île-de-France, Hauts-de-France, Vendée… et prochainement PACA, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes.
Nous sommes peu connus du milieu, car notre association est multicommunautaire et pas uniquement LGBT. Nos animations et concepts de prévention sont plus connus que notre structure : nous sommes discrets, même si nous sommes issus d’une association LGBT, HomoFesty.
Vous envisagez de faire des actions dans le Marais, quelles sont vos grandes lignes ?
Tous les militants de prévention constatent qu’il est difficile de parler de santé sexuelle avec des LGBT, HF Prévention propose un nouveau format ludique en allant directement vers ces publics, nous proposons des opérations de dépistage 1 Minute pour Savoir, des rencontres avec Miss MiP (Mission in Prevention) et le Virus du sida, ou des animations photo avec M. et Mme Capote dans des hauts lieux LGBT parisiens, puis partout en France.
Quelle analyse fais-tu de la prévention chez nous ? Que penses-tu du tout médicament ?
Ça m’intrigue que l’on puisse croire en une solution unique. Nous pensons que le tout médicament n’est pas la bonne réponse pour tous : ce serait médicaliser la sexualité de tous les LGBT. Nous croyons beaucoup plus à une prévention diversifiée, combinée à une prévention comportementale : les assos n’ont pas toutes les solutions, mais la solution se trouve en chacun de nous. Il y a autant de possibilités de prévention que de personnes, et il faut surtout une prévention adaptée à chaque moment de sa vie. Mais je peux comprendre qu’un discours et une pensée unique peut parfois paraître plus simple et plus convaincant. Quand le dépistage a démarré, on nous assurait déjà que, si nous dépistions et traitions tout le monde, l’épidémie serait finie.
Maintenant, c’est la PrEP qui est à la mode et on nous dit que la médicalisation est la nouvelle clef du succès contre la propagation du virus. Chez HF Prévention, nous pensons qu’il faut cesser ces raccourcis en mettant tout le monde dans le même panier et nous innovons en prévention santé.
Pourquoi t’es-tu autant engagé dans le monde associatif gay puis celui de la prévention ?
J’ai toujours été dans le milieu associatif, depuis le plus jeune âge : à l’âge de 16 ans, j’ai été vice-président d’un centre socio-culturel de plus de 3 000 adhérents. À mes 18 ans, après avoir fait mon coming-out, je me suis fait limoger parce que j’étais gay. Je vous laisse imaginer la révolte face à cette injustice mais, il y a 21 ans, les personnes LGBT était encore plus discriminées qu’aujourd’hui. Le monde associatif était donc devenu une évidence pour moi. La prévention a toujours été très présente dans mon parcours : j’ai perdu de nombreux amis touchés par le sida… Peu après mes premières relations sexuelles, j’ai été diagnostiqué séropositif : il s’agissait d’une erreur. Cette période de ma vie a été extrêmement compliquée et m’a mobilisé pour m’investir dans la prévention IST/sida.
Avec Cyril, nous avons fondé HF Prévention en 2004, mais n’avions pas le temps nécessaire à l’époque pour développer la structure, en 2011, voyant que les cas de contaminations ne diminuaient pas, nous avons repris la structure, au départ du président précédent, et en avons modifié les approches.
Intéressons-nous un peu plus à toi : tu es gay ? en couple ?
D’autant que je sache, j’ai toujours été gay. J’ai fait mon coming-out et j’ai malheureusement souffert de discriminations dès mes premiers jobs : pas facile d’être gay. Très rapidement, je me suis investi dans le milieu LGBT à 18 ans en devenant membre du Bureau de la Fédération Gemini, qui regroupait les associations francophones LGBT. À 21 ans, j’ai rencontré mon mari, Cyril Deschamps. Nous venons d’ailleurs de fêter nos 18 ans de vie commune : nous sommes pacsés et nous vivons paisiblement dans la région de Versailles dans les Yvelines, entourés de notre famille et nos amis.
Nous sommes un couple uni et partageons également notre vie professionnelle, ce qui nous permet aussi de pouvoir avancer plus rapidement, sans qu’il n’y ait d’incompréhension dans notre couple. Notre engagement pour la cause LGBT s’est traduit également par la création d’HomoFesty, un club national de loisirs LGBT, qui regroupe aujourd’hui plus de 800 membres partout en France, et qui a donné naissance à HF Prévention (pour HomoFesty Prévention).