Vikken, peux-tu nous parler de toi ? Comment et quand est survenu ton coming out trans ?
Je m’appelle Vikken. Je suis un mec trans non-binaire de 30 ans, cadre d’entreprise la journée et producteur/musicien/DJ la nuit.
Mon coming out s’est étalé sur 6 mois environ, entre 2014 et 2015, sur fond de dépression. C’est le temps qu’il m’a fallu pour m’assumer, petit à petit. C’était très dur pour moi, alors que je l’ai toujours su.
J’ai ni par le dire à ma famille, assez difficilement. J’avais peur de leur réaction. Finalement, ils ont été compréhensifs et d’un grand soutien. Ça a été un déclic, j’ai ni par faire mon coming out de façon publique via les réseaux sociaux, et via un mail général à ma boite. Je n’ai eu que des bons retours et des messages géniaux.
Pourrais-tu nous parler de ton parcours , de ta transition ?
Je voudrai d’abord faire un point sur les mots que tu utilises.
Je n’aime pas trop le terme « parcours », ça sous-entend que je vais d’un point A à un point B. C’est beaucoup plus complexe que ça : J’apprends à me connaitre, il n’y a pas de parcours particulier pour ça. En plus, on nous impose un « parcours » psychiatrisé, cisnormé et hétérocentré qui ne prend pas en considération le fait que nous sommes des êtres humains avec des identités propres, avec des be- soins et des désirs qui nous sont propres.
J’ai commencé mes injections de testostérone en juillet 2015 avec une endocrinologue. J’ai désormais un bon passing, et je ne souffre plus de dysphorie. Je ne souhaite rien de plus, je ne ressens pas le besoin de subir d’opérations. En ça, je suis non-binaire. Je ne me reconnais pas dans l’expression « né-e dans le mauvais corps », qui est, à mon sens, terriblement simpliste, voire transphobe.
C’est une expérience de vie incroyable.
Quel a été le moment le plus dur et ta plus grande joie dans ton parcours, de ta transition ?
Le plus dur a été de prendre rendez-vous chez le psychiatre pour la première fois. J’y suis allé parce que je n’avais pas vraiment le choix, même si au final ça m’a fait du bien de pouvoir lâcher des choses. C’est une étape obligatoire pour obtenir l’attestation qui permet de commencer un traitement hormonal avec un-e endocrinologue. En fait, on nous met les termes « transsexualisme primaire », « trouble », « syndrome de Benjamin » sous le nez. Le protocole en vigueur veut que la transidentité ait une dimension psychiatrique.
Il n’y a rien qui me rende plus heureux que mon re et dans le miroir. J’ai passé presque toute ma vie en étant perçu comme une femme, je le vivais vraiment très mal. Ça fait juste quelques mois qu’on me voit – et me vois – enfin comme le mec que j’ai toujours été et ça me fait un bien fou. Mes proches et mes ami-e-s me sentent changé, physiquement et psychologiquement. C’est une renaissance.
Pourrais-tu donner deux trois conseils essentiels à des personnes entamant un parcours trans , une transition ?
Trouver du soutien en ligne et/ou en asso. Le pire est de se sen- tir seul-e et isolé-e, à n’importe quel moment. Il y a des gens qui peuvent nous aider dans nos questionnements et qui comprennent ce que l’on ressent, il ne faut pas s’en priver.
Éviter les équipes officielles autant que possible.
C’est un protocole extrêmement long avec une sélection à l’entrée, et on ne choisit pas ses médecins. Les frais sont pris en charge par la Sécurité Sociale mais les délais de prise en charge peuvent aller jusqu’à 2 ans, et l’attente avant le début de l’hormonothérapie jusqu’à 2 ans également. Et ça tourne totalement autour de la psychiatrie, du fait d’être hétérosexuel et de vouloir faire toutes les opérations – dont celle de réassignation sexuelle.
Il est préférable de demander une Affection de Longue Durée et de trouver des praticiens dans le privé.
La transphobie est à peu près partout, il y a au final assez peu de gens qui sont réellement éduqués sur la question. Et on est forcé- ment confronté-e à un moment aux questions indiscrètes de gens qui veulent assouvir leur curiosité malsaine, praticiens y compris. Nous sommes belles et beaux même si on ne correspond pas aux canons de beauté cisgenres.
Quel est selon toi le combat prioritaire de la
communauté trans ?
Le changement d’état civil libre et gratuit est une urgence pour notre communauté.
La plupart des personnes trans sont précaires parce que victimes de discriminations, et la non-conformité des papiers avec le genre y est pour beaucoup. Il faut faire appel à un avocat et se rendre au Tribunal de Grande Instance, c’est donc une procédure longue et coûteuse en raison des frais d’avocats.
De plus, présentement, des opérations sont requises pour changer la mention de sexe sur les papiers. Nous devons, entre autres, nous faire stériliser. C’est très lourd et couteux. J’ai lu qu’il faut compter environ 10 000€ de frais en tout (d’avocat, les opérations) pour un homme trans, et en moyenne 3 fois plus pour une femme. Malgré tout ceci, il n’y a aucune garantie de réussite pour l’obtention du changement d’état civil.
Où sors tu, peux-tu nous conseiller des lieux ou soirées ?
Je privilégie les lieux où la communauté trans est la bienvenue et plus si affinités.
Mon bar favori est La Mutinerie. C’est un lieu queer, féministe et antiraciste où il y a un véritable esprit DIY. Les prix sont petits et l’équipe vraiment sympa. En plus, j’y mixe une fois par mois.
Je conseille aussi la Shemale Trouble au Klub, une soirée par et pour les trans et leurs allié-e-s. Le son est bon et ça fait vraiment plaisir de voir un espace d’expression pour notre communauté. En plus, elles programment des artistes/DJ trans autant que possible.
Et pour finir, les Souffleurs pour l’ambiance du sous-sol et les chouettes apéros de Polychrome – une asso qui explore le mouvement queer.