La ritournelle peut être belle mais aussi violente. Le metteur en scène célèbre la métamorphose adolescente, ses chutes et ses douceurs. Intimement ils se construisent dans un dérèglement irraisonné de tous les sens. L’intimité d’une amitié adolescente exclusive qui trouble, remue, réinvente.
Amitié excessive où les émotions et les sentiments explosent, dérèglent, construisent. Libres, à la fois pudiques et impudents, ils parlent, ils ressentent, ils osent et leurs mots en disent tout autant que leurs gestes. Ils sont «les meilleurs amis, pour la vie» comme ils disent. Ils sont l’un pour l’autre celui à qui on ouvre son âme comme à aucun, aucune.
Ce qui se dit entre eux, ce qui se fait entre eux, ce qui se passe en eux, ne dure qu’une saison, le temps de l’adolescence : «l’âge des espérances et des chimères».
Rimbaud écrivait à 17 ans que l’amour est à réinventer et c’est ce que font ces jeunes, ils le réinventent le temps d’un instant, celui de leur adolescence, le temps des espérances et des chimères comme disait encore Rimbaud.
« Ce sont les mots du jeune poète qui m’ont amenés à regarder et écouter la jeunesse avec ce secret espoir qu’en chacun d’entre eux je trouverais la part de poésie qui les rendrait si uniques et bouleversants, qu’avec eux je pourrais créer des pièces, des poèmes visuels et sonores, riches et fragiles, d’une fraîcheur spontanée, emplies d’espérances et de chimères » raconte François Stemmer.
Le corps, la danse, les mots et le spectateur
Sur scène, c’est un mélange de break dance et de danse contemporaine. Celle d’un jeune garçon plutôt timide et réservé, ayant du mal à parler et à exprimer oralement ses sentiments sur un plateau, comme le fait son ami Elias. C’est une danse-langage, brutale et guerrière, spectaculaire, où les figures s’enchaînent dans une énergie brute, toute ici tournée vers l’autre, vers l’ami, toute nourrie d’affection et d’amour pour faire rire, pour soutenir et aussi s’étourdir.
C’est une danse qui soigne, qui aime et qui guérit. Tout le travail corporel d’Intimité raconte cela. Un petit coup d’œil, un regard appuyé, une marche en symbiose, les corps séparés mais connectés, les corps blottis, les effleurements comme les acco- lades, les danses, seuls ou ensemble, tout leur être nous raconte cette amitié intense, nous ouvre les portes de leur intimité.
Coincés entre la fin de l’enfance et l’entrée dans l’âge adulte, c’est dans le chaos qu’ils se construisent et se métamorphosent. Leur corps, leur voix, changent brutalement et violemment. Ils ne sont plus, ils deviennent. Toute une période de construction et de destruction où les émotions, entières, dévastent et forment. Ils essaient, risquent, tombent, se relèvent.
Maladroits ou assurés, ils vont tels qu’ils sont vers un futur incertain et leur maladresse est belle, tout autant que leur assurance maladroite. Elias et Camérone ne jouent pas, ils vivent.
L’amitié adolescente entre deux per- sonnes du même sexe est troublante car le corps s’exprime alors avec la même intensité, utilise le même «langage».