La question de l’homosexualité de Molière n’est pas nouvelle, même si occultée par des années de critiques bien pensantes. Avec Le Banquet d’Auteuil de Jean Marie Besset, c’est une vision moderne de cette passion qui est proposée. Amère et cruelle.
Cette pièce a été écrite en 2011 à partir de personnages et d’évènements du XVIIe siècle. Mise en scène par Régis de Martrin Donos, elle a pour thème la rivalité entre hommes mariés, l’amour, le désir, la beauté et le talent de jeunes hommes. Elle est moderne dans sa sincérité, son aprêté et sa cruauté des rapports, qu’ils soient de désir ou d’ambition, d’argent ou de carrière.
Les découvertes sont multiples et gravitent les unes avec les autres. C’est avant tout une plongée dans le libertinage philosophique d’inspiration épicurienne. Une ouverture sur un siècle moderne, aux mœurs pas si éloignées des nôtres. L’autre découverte est celle d’une homo- sexualité supposée de l’auteur de L’Ecole des femmes. Ses attirances ne sont pas nouvelles pour les spécialistes.
Réflexion mélancolique sur les passions transcendées par l’art et la jeunesse qui fuit
En effet, l’amitié de Molière pour le jeune baron avait déjà été évoquée dans un livre anonyme La Fameuse Comédienne, et quelques années plus tard, en 1705, par le premier biographe de l’auteur dramatique, Grimarest, qui relatait déjà un certain ban-
quet d’Auteuil. Mais ces deux ouvrages, jamais cités dans l’exégèse universitaire, ne semblaient s’attacher qu’à l’anecdotique et ne pouvaient entrer en concurrence avec l’histoire officielle qui, elle, ne s’intéressait qu’aux amours orthodoxes de Molière avec Madeleine et Armande Béjart.
C’est donc une véritable réhabilitation qui est pro- posée avec cette pièce. Libre d’interprétations, elle nous fait voyager dans des mondes très différents, avec des codes, les failles et les espoirs de chacun. Ce texte est une réflexion mélancolique sur les passions transcendées dans l’art et la jeunesse qui fuit. Vision à la fois poétique et très réaliste du XVIIè siècle, ce Banquet d’Auteuil dépoussière avec brio Molière et ses amis. C’est l’anti Lagarde et Michard.
Passionnant pour les historiens. Troublant pour les spectateurs.