A l’aube de ses quinze ans, l’association de policiers et gendarmes LGBT est conventionnée depuis octobre 2014 avec le Ministère de l’Intérieur. Une jolie victoire loin de faire oublier les combats d’une adolescence qui s’annonce intense et rebelle.
« Il y a encore du chemin à parcourir » selon Mickaël Bucheron, président depuis octobre 2011. Malgré de nombreux acquis, le travail de l’association continue de plus belle, notamment dans les écoles où pas moins de 3000 élèves policiers et 500 gendarmes ont été sensibilisés en 2015 aux questions d’homophobie, de lesbophobie ou de transphobie. « Ce sont principalement des discussions à bâtons rompus, sur des cas concrets. On leur demande ce qu’ils feraient devant telle ou telle situation. » explique t-il. Un message qui semble porter: « Les élèvent applaudissent souvent à la fin. D’autres en profitent pour sortir du placard ». Des actions facilitées avec la signature de la convention avec le Ministère de l’Intérieur, en octobre 2014 pour la police et février 2016 pour la gendarmerie, affirmant une véritable reconnaissance de l’Etat.
Des interventions qui ont aussi lieu dans le cadre de la Journée Internationale contre l’Homophobie le 17 mai et le 31 décembre pour la Journée Mondiale de Lutte contre Le Sida. L’occasion d’aller à la rencontre de collègues, des syndicats pour échanger, donner des informations sur le fonctionnement du Code Pénal ou sur le VIH et les IST. « Ca nous permet d’introduire un vrai discours de vérité».
Pourtant tout n’a pas toujours été simple pour l’association crée en 2001, au moment du PACS. « C’était une coquille vide dans le monde du travail. Il y avait énormément de différences entre les couples mariés et pacsés, notamment en gendarmerie» raconte Mickaël. Cette union civile aura au moins le mérite de mettre en lumière les manquements en termes de droits LGBT dans le monde du travail mais surtout de parler de l’homophobie qui était un non-sujet à l’époque. « Les objectifs étaient, d’une, de se rendre visible mais aussi d’aider des collègues qui en seraient victimes dans leur service. »
A l’époque, il n’y avait pas de loi contre l’homophobie. Les avancées importantes n’arriveront qu’en 2003 avec l’instauration de cette notion comme circonstance aggravante et en 2004 avec l’introduction de la pénalisation des injures liées à l’orientation sexuelle.
La question des trans en point de mire
D’emblée, malgré des accusations de communautarisme, l’association sera saisie de nombreuses demandes d’aides pour des collègues victimes de harcèlement au sein même de leur lieu de travail. « C’est souvent compliqué de déposer plainte», explique le président de l’association. « Il y a une culture où l’on considère que c’est mal de dénoncer ». Un véritable travail d’écoute qui s’accompagne de conseils dans une structure juridique où le harcèlement moral est compliqué à démontrer. « La majorité des cas accuse le coup sans réagir », selon Mickaël Bucheron.
Aujourd’hui même si l’acceptation de l’homosexualité est globalement de mise, l’association continue de traiter un certain nombre de demandes. « Pour les mecs, ça reste encore compliqué. D’emblée, les préjugés sexistes l’emportent. Il faut être vigilant ». Une vigilance malgré les nombreuses avancées durant ces années avec davantage de droits sociaux en gendarmerie, la question de la parentalité mieux traitée chez les lesbiennes ou encore la publication des chiffres de l’homophobie diffusée seulement depuis 2014.
Mickaël Bucheron reconnaît qu’il est plus facile d’être LGBT dans ce milieu qu’à la création de l’association. « Pour les gendarmes qui vivaient à la caserne, c’était très compliqué de cacher sa vie privée » se rappelle-t-il. La création en 2014 de Stop Discri rattachée à l’Inspection Générale de La Gendarmerie Nationale, montre une évolution pour une structure au statut militaire, régie par un code qui exclut normalement la création de syndicat ou d’association.
Le même type de structures devrait bientôt naître au sein de la Police Nationale. « Flag ! a mit un vrai coup de pied dans la fourmilière. Ce n’est plus un sujet tabou», s’enthousiasme le président de l’association qui aimerait voir naître d’autres organisations pour lutter contre tous les fléaux présents au sein des forces de l’ordre : le racisme, le sexisme…
« On a aussi agit pour ce type d’affaires » explique-t-il. Seule Femmes de l’Intérieur s’est engagée depuis 2013 à dénoncer les fonctionnements misogynes des policiers.
Concernant FLAG !, le président de l’association reste conscient qu’il y a encore du travail à accomplir avec un certain nombre de combats encore à mener comme la question des trans. «Nous avons énormément d’appels de personnes extérieures à la police ou à la gendarmerie pour des situations parfois ubuesques comme des personnes mises en cellules avec d’autres hommes parce que la carte d’identité les présente comme tels ! ». Des faits qui reflètent là aussi des manques de consignes claires facilitant la prise en charge de ce public. Les avancées devraient arriver progressivement sur ces questions puisqu’un travail est actuellement mené en collaboration avec le ministère.
Un questionnement à l’échelle européenne
Un autre point sur lequel planche l’association c’est la mise en place d’un service de police dédié au public LGBT. Selon le président de l’association, les 1523 faits d’homophobie recensés en 2015 ne seraient que l’arbre qui cache la forêt d’une population qui n’ose pas porter plainte, de peur des moqueries, ou du refus de prise en compte de la plainte. Ce système existe déjà en Angleterre, en Belgique, ou aux Pays Bas. «Malheureusement, ce dispositif est plus simple à mettre en place en ville qu’en milieu rural pour des questions d’effectifs. Et même en ville, aujourd’hui les priorités sont modifiées avec l’état d’urgence. » s’inquiète le policier.
Des idées qui pourront être partagées avec leurs collègues européens puisque Paris accueillera la conférence 2018 de l’EGPA (European Gay Police Association), née en 2004 à Amsterdam. «L’idée est de pouvoir échanger sur les meilleures expériences ou aider d’autres associations à se créer là où il n’y en a pas». conclut Mickaël Bucheron, président d’une association qui foisonne de projets ambitieux.