Exclusif! Interview de Nathalie Kosciusko-Morizet

Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la Mairie de Paris en 2014 répond aux questions de Qweek. Paris (et sa région) accueilleront en 2018 les Gay Games. Pensez-vous que c’est une...

NKM1droitNKM_1Nathalie Kosciusko-Morizet, candidate à la Mairie de Paris en 2014 répond aux questions de Qweek.

Paris (et sa région) accueilleront en 2018 les Gay Games. Pensez-vous que c’est une chance pour Paris et pourquoi?

La candidature de Paris à l’organisation des Gay Games 2018 a été portée par les Parisiens et de nombreux soutiens. Il faut se féliciter de cette démarche qui va dans le sens de ce que j’aurais souhaité lors de la candidature de Paris à l’organisation des Jeux Olympiques de 2012, à l’inverse de celle, très institutionnelle portée, par la Mairie. Je comprends que l’on puisse considérer qu’une manifestation communautaire ne doit pas être soutenue par la ville. Mais je considère que ces Gay Games peuvent être une chance pour notre ville à condition que la mairie sache s’en saisir pour casser les stéréotypes. Il faut profiter de cet événement pour donner une visibilité qui est nécessaire pour lutter contre une homophobie encore trop présente. A Paris, on ne peut toujours pas se promener partout main dans la main quelle que soit son orientation sexuelle. L’organisation de ces jeux va dans le sens du Maire que je veux être. Un maire qui donne à chacun la possibilité de vivre tel qu’il est. J’aime aussi l’esprit de ces jeux, ouverts à tous sans standard de performance, laissant à chacun la possibilité de venir et de participer à sa mesure.

Voilà plus de 10 ans que la Ville de Paris communique sur la lutte contre le Sida. En ces temps de crise, ajoutés au progrès des traitements qui pourraient faire baisser la pression des institutions dans la lutte contre l’épidémie, quelle sera la politique et quels seront les moyens accordés par la Mairie de Paris dans les prochaines années si vous êtes élue?

Je suis d’une des premières générations à vivre son adolescence et sa vie d’adulte avec le SIDA. C’était la découverte de la maladie, et la sensibilisation était alors extrême. Depuis, heureusement, les progrès de la recherche ont permis aux séropositifs d’allonger leur espérance de vie. La conséquence de ces avancées, c’est le relâchement des jeunes générations – mais pas seulement – qui considèrent à tort le SIDA comme une maladie bénigne. Les pouvoirs publics, eux aussi, ne doivent pas se relâcher.  Cela nous oblige à promouvoir dans la capitale une politique de référence en matière de prévention, de dépistage, de traitement et de recherche sur le Sida. Notre responsabilité est d’améliorer l’accès à l’information et de multiplier les actions de dépistage que le développement des tests rapides permet d’engager plus facilement, auprès de toutes  les populations. Personne n’est à l’abri d’une contamination. Je refuse de confiner la lutte contre le SIDA à une question homosexuelle. Car même si les gays paient un lourd tribut, les deux tiers des séropositifs sont hétérosexuels. De plus, il est nécessaire de soutenir le rôle de l’Assistance publique dans la prise en charge globale du Sida, du dépistage au traitement des malades. Elle doit travailler en lien avec les associations dont l’engagement est essentiel car elles sont  les plus à même à faire le lien entre la population, le personnel de santé et les malades. Notre rôle, en tant qu’élus, est de faciliter les actions, pas de les compliquer.

La Ville de Paris soutient en particulier le Centre LGBT Paris-île-de-France. Un soutien indispensable pour la survie de cette structure emblématique. Ce soutien (notamment financier) sera-t-il renouvelé lors de la prochaine mandature?

Je suis particulièrement touchée par la souffrance des adolescents qui, découvrant leur homosexualité, se sentent isolés dans leur environnement familial et amical. Le centre LGBT peut représenter un lieu identifié où ils pourront trouver l’écoute et la bienveillance qui pourra leur éviter le pire. C’est aussi un lieu où les familles, qui ne savent pas toujours comment faire face à leurs enfants découvrant leur orientation sexuelle, peuvent trouver des réponses. Que ce soit dans la lutte contre l’homophobie et la transphobie ou dans l’animation de la cité, le maillage associatif permet des actions que la mairie n’a pas vocation à réaliser ou ne peut souvent pas faire elle-même. Je veux saluer au passage l’action du Refuge dans la prise en charge de jeunes victimes d’homophobie. Le Centre LGBT coordonne depuis de nombreuses années ces associations. Il a démontré son efficacité. Je souhaite que la Ville continue à le soutenir lors de la prochaine mandature.

On peut constater une recrudescence de l’homophobie, attisée par les débats houleux lors du mariage pour tous. Les fonctions d’adjoint(e) au Maire de Paris chargée des Droits de l’Homme et de la lutte contre les discriminations seront-elles maintenues, diminuées, étendues?

Je regrette que le gouvernement ait pris le risque de monter les Français les uns contre les autres en proposant un projet unilatéral sans permettre au législateur de faire le nécessaire travail de fond sur l’évolution de la famille. Il aurait fallu élargir le sujet, par exemple a la question des familles recomposées, du statut des beaux parents, et le travailler d’abord loin des caméras et des postures politiques, pour se donner la chance de voir évoluer les positions de départ. Le gouvernement porte a ce titre une responsabilité alors qu’un tel texte aurait dû donner lieu au contraire à un débat apaisé, une occasion, manquée, d’améliorer la compréhension des uns et des autres. Paris est aujourd’hui bien éloignée de son image de « Love City », vantée à l’international. Ainsi, dans l’équipe resserrée à 20 adjoints que je souhaite proposer aux Parisiens, l’une ou l’un d’entre eux portera notamment ces questions mais je veillerai surtout à ce que, à l’image du développement durable qui a vocation à être porté par tous, chaque adjoint et chaque direction se sente investi de ce sujet. Je voudrais que l’on dépasse aujourd’hui les débats sur le mariage pour tous. Nous sommes entrés dans le monde d’après. Un monde où les enfants des familles homoparentales ne sont plus obligés de justifier la vie de leurs parents. Un monde où chaque couple peut prétendre aux mêmes droits, pas plus, pas moins. Un monde où la solitude des seniors est prise en compte, y compris celle des LGBT.

Il existe des freins et des points de friction au développement de certaines activités commerciales LGBT (particulièrement les autorisations de nuit, les problèmes de plaintes pour nuisance sonore, les transports nocturnes, etc.). Aujourd’hui, les grandes villes européennes comme Londres, Barcelone, Berlin attirent une clientèle touristique séduite aussi par une activité nocturne dynamique. Quelle est votre sentiment sur l’importance d’une offre de loisirs nocturnes de qualité dans une grande capitale?

Je regrette qu’aujourd’hui Paris ressemble de plus en plus à une belle endormie quand les autres capitales bougent 24h sur 24. J’ai rencontré dernièrement le Maire de la Nuit afin de faire des propositions concrètes notamment vis à vis des nuisances sonores ou des fermetures administratives. C’est tout l’enjeu de concilier la tranquillité des riverains et l’activité des établissements nocturnes. La Nuit ne se développera que si elle est acceptée et accueillie par tous les parisiens. Il faut réconcilier les Parisiens et la Nuit. On peut imaginer par exemple que les établissements nocturnes se développent dans les quartiers de bureau centraux plutôt que dans les quartiers résidentiels. J’aimerai aussi que, dans la conception des nouveaux quartiers les problématiques de cohabitation riverains/établissements soient intégrées. Enfin, les activités culturelles et festives, y compris nocturnes, sont au cœur de mon projet de reconquête des Portes de Paris. Mais je veux aller plus loin. Les Parisiens ont changé de rythme. 9h-17h, ce n’est plus la réalité de nombre d’entre eux. La ville doit s’adapter. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité faire plusieurs propositions visant à révolutionner les horaires de la Ville, notamment avec l’ouverture des magasins, des bibliothèques ou des équipements sportifs le soir. Je propose aussi de prolonger les horaires de métro jusqu’à 2h du matin en semaine, complété par une offre élargie de noctiliens, et toute la nuit le week-end. C’est toute une culture de la nuit qui doit se réinventer. La nuit parisienne ne doit pas se limiter à une unique nuit en octobre.

D’une manière générale, pensez-vous qu’une ville avec une communauté LGBT épanouie est un facteur de qualité qui profite à l’image tout entière de la ville?

Je suis profondément convaincue que la vraie richesse de Paris, ce sont ses habitants. Ce sont eux qui doivent avoir les clefs. Pour eux, Paris doit être une ville qui leur donne de l’énergie et leur permet d’accomplir leurs rêves. Je souhaite que chaque Parisienne et Parisien, quel qu’il soit, quelle que soit son orientation sexuelle puisse choisir d’exalter ou de cacher sa différence. Cela implique de ne pas enfermer ni réduire les LGBT à leur sexualité, mais de leur donner le droit à l’indifférence s’ils le souhaitent. Le concept de communauté, qui positionne nécessairement un groupe par rapport à d’autres, n’a pas ma préférence. A l’inverse, je souhaite que Paris remplisse la promesse d’émancipation, personnelle et individuelle, qu’elle incarne a travers le monde et l’histoire. Cette promesse s’adresse notamment aux LGBT. Il nous appartient de faire en sorte que la différence de chacun, le combat de chacun, soit une richesse pour tous les autres. La Ville est le lieu ou les énergies s’additionnent, s’échangent, se renforcent, plutôt qu’elles ne s’annulent.

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