Candidate à la Marie de Paris en 2014, Anne Hidalgo répond en exclusivité aux questions de Qweek.
Paris (et sa région) accueilleront en 2018 les Gay Games . Pensez-vous que c’est une chance pour Paris et pourquoi?
Cette victoire est un grand honneur et une immense fierté pour Paris. Je veux rendre ici hommage aux associations qui se sont mobilisées avec beaucoup d’énergie, de conviction et de passion pour que Paris accueille les Gay Games en 2018. Avec Bertrand Delanoë, nous nous sommes beaucoup investis durant deux ans pour soutenir ce beau projet en mettant notamment à disposition les équipements sportifs de la Ville. Je me suis moi-même impliquée fortement à travers les nombreux échanges que j’ai pu avoir avec la Fédération des Gay Games (FGG) qui a inspecté un à un tous les grands sites sportifs. Tout au long de cette belle aventure humaine et sportive, j’ai eu le plaisir de voir une Ville rassemblée pour soutenir la candidature de Paris. Indépendamment de l’orientation sexuelle, l’ensemble du monde sportif s’est mobilisé pour faire triompher Paris et ses valeurs d’égalité, de fraternité et de respect des différences. Cet évènement est bien sûr une très grande chance car il va permettre de renforcer encore le tourisme, l’attractivité et le rayonnement de Paris à travers le monde ! C’est également une très belle vitrine pour la Fédération Sportive Gay & Lesbienne et pour l’ensemble des associations LGBT parisiennes. Si je suis élue Maire, les Gay Games seront un grand rendez-vous sportif, festif, culturel. Paris sera bien sûr impliquée dans son organisation.
Voilà plus de 10 ans que la Ville de Paris communique sur la lutte contre le Sida. En ces temps de crise, ajoutés au progrès des traitements qui pourraient faire baisser la pression des institutions dans la lutte contre l’épidémie, quelle sera la politique et quels seront les moyens accordés par la Mairie de Paris dans les prochaines années si vous êtes élue?
La lutte contre le sida et le soutien aux malades sont des priorités auxquelles depuis 2001 nous consacrons chaque année un budget important. Cela nous a permis d’accompagner les associations sur le terrain et de mener des actions d’information et de prévention notamment auprès des jeunes et des populations les plus exposées. Nous soutenons également plusieurs pays d’Afrique. Alors que la maladie fait moins peur qu’il y a 15 ans, nous devons plus que jamais restés très vigilants et pleinement mobilisés. En dépit des progrès accomplis, les dépistages rapides, la gratuité des préservatifs, les multi-thérapies…de nouvelles personnes sont contaminées chaque année. La population homosexuelle demeure particulièrement touchée par cette maladie. Il est donc essentiel de ne pas relâcher nos efforts. Si je suis élue, je veux poursuivre et amplifier ce travail absolument indispensable. Comme je le rappelle dans mon projet pour un Paris qui ose, je compte poursuivre les campagnes de prévention. Je créerai une ruche associative qui accueillera les petites associations de lutte contre le SIDA et qui permettra, par une mutualisation des moyens, d’aider les associations pour leurs demandes de subventions, leur gestion, leurs difficultés… J’ouvrirai dans le centre de Paris un lieu de prévention autour du SIDA et des MST et qui soit également un lieu d’écoute et d’orientation des jeunes Parisiens et de la métropole. Enfin, pour se rappeler que le SIDA est une maladie qui touche le monde entier, je proposerai dans le cadre de l’AIMF (Association Internationale des Maires Francophones), de coordonner tous les ans un moment de solidarité commun qui aurait lieu au même moment dans toutes les villes.
La Ville de Paris soutient en particulier le Centre LGBT Paris-île-de-France. Un soutien indispensable pour la survie de cette structure emblématique. Ce soutien (notamment financier) sera-t-il renouvelé lors de la prochaine mandature?
Tout d’abord, je veux souligner à quel point le Centre LGBT accomplit au quotidien un travail formidable. C’est d’ailleurs avec beaucoup de joie et de plaisir que nous avons fêté à l’Hôtel de Ville les 20 ans de l’association. Ouverte à tous, elle est devenue un véritable repère dans la Ville et un lieu important d’accompagnement pour les milliers de femmes et d’hommes qui la fréquentent chaque année. C’est pourquoi je suis particulièrement fière que la Ville de Paris ait soutenu cette association, qu’elle l’ait aidée à grandir et à se développer. Avant l’arrivée de la gauche en 2001, le Centre LGBT, qui a ouvert en 1994, ne bénéficiait d’aucun soutien de la Municipalité. Nous avons mis fin à cette situation injuste et discriminante. Aujourd’hui encore, la droite parisienne refuse avec constance de voter pour la subvention que nous accordons chaque année à cette association. Si je suis élue, je continuerai bien sûr à épauler le Centre LGBT ainsi que les autres associations qui partagent leurs locaux et qui font également un travail très important et utile.
On peut constater une recrudescence de l’homophobie, attisée par les débats houleux lors du mariage pour tous. Les fonctions d’adjoint(e) au Maire de Paris chargée des Droits de l’Homme et de la lutte contre les discriminations seront-elles maintenues, diminuées, étendues?
La défense des Droits de l’homme et la lutte contre les discriminations sont les valeurs de Paris. Elles doivent être défendues sans relâche. La radicalisation d’une partie de l’opinion me désole et la montée et la banalisation de discours homophobes rendent ce combat plus que jamais nécessaire, nous l’avons vu récemment. Cette lutte est au fondement même de l’identité de la Gauche qui, en 1981, a dépénalisé l’homosexualité, qui, en 1999, a rendu possible le PACS et le mariage pour les personnes du même sexe en 2013. Je suis fière de ces progrès qui vont dans le sens de l’Histoire et renforcent l’égalité réelle des droits, alors que la droite s’est mobilisée contre le mariage pour tous. Ce sont des enjeux bien trop importants pour laisser paraître la moindre ambigüité. Quant aux discriminations qui touchent des femmes et des hommes en raison de leur origine ou de leur couleur de peau, les propos injurieux et haineux qui se sont exprimés contre Christiane Taubira montrent que ce combat n’est jamais terminé. Si je suis élue, je veux construire une Ville où chacun, quelque soit son origine sociale, sa culture ou son orientation sexuelle ait à sa place, toute sa place. Là encore ce sont les valeurs de Paris, je serai intransigeante pour qu’elle soient respectées.
Il existe des freins et des points de friction au développement de certaines activités commerciales LGBT (particulièrement les autorisations de nuit, les problèmes de plaintes pour nuisance sonore, les transports nocturnes, etc.). Aujourd’hui, les grandes villes européennes comme Londres, Barcelone, Berlin attirent une clientèle touristique séduite aussi par une activité nocturne dynamique. Quelle est votre sentiment sur l’importance d’une offre de loisirs nocturnes de qualité dans une grande capitale?
Je tiens d’abord à m’élever très fortement contre l’idée selon laquelle Paris serait une ville musée. Paris, de jour comme nuit, est l’une des villes les plus attractives, dynamiques et vivantes du monde. C’est un sujet qui me tient personnellement à cœur. Vous citez Barcelone, comme vous le savez, mes origines sont espagnoles: faire la fête, vivre et s’amuser quand il fait nuit, j’ai un peu ça dans mon ADN… ! Ces dernières années, la Nuit parisienne s’est renouvelée, grâce au dynamisme des acteurs de la nuit mais aussi au soutien actif de la Municipalité. Beaucoup de lieux qui n’existaient pas il y a dix ans, sont aujourd’hui des lieux très prisés et célèbres comme Rosa Bonheur, le Show-Case, le Wanderlust, la Gaîté Lyrique, Le Petit Bain et tant d’autres lieux ou de soirées… sans parler des bars à musique et cafés-concerts qui ont fleuri par dizaines. Ma responsabilité de Maire, si je suis élue, sera de trouver le bon équilibre entre celles et ceux qui veulent légitiment pouvoir faire la fête, et les riverains qui aspirent à la tranquillité. Pour ces derniers, le bruit peut être une véritable nuisance. Je proposerai un « Plan Antibruit » afin de limiter le plus possible ses contraintes pour le voisinage immédiat. La lutte contre les nuisances sonores sera une nouvelle dimension du Plan Local d’Urbanisme : les rues seront classées selon leur niveau de bruit, et ces données seront communiquées aux Parisiens. Nous créerons également une équipe pour prévenir les excès et le tapage nocturne, et j’exigerai des bailleurs sociaux qu’ils prennent en compte les objectifs d’insonorisation et d’isolation des logements. Je veux bâtir une ville dynamique et où il fait bon faire la fête, mais aussi une ville respectueuse de la tranquillité des Parisiens. C’est pourquoi je nommerai un adjoint spécialement en charge de la nuit, pour être l’interlocuteur des acteurs de la nuit, mais aussi des riverains et des salariés et entrepreneurs. Je veux appréhender la question de la nuit d’une manière globale. Enfin, en termes de transports, il faut profiter de l’automatisation de certaines lignes de métro (la 1 et la 14) pour en prolonger les horaires, en particulier le week-end, je souhaite également que la ligne 4 soit automatisée.
D’une manière générale, pensez-vous qu’une ville avec une communauté LGBT épanouie est un facteur de qualité qui profite à l’image tout entière de la ville?
Paris est une ville porteuse d’un message d’égalité et de tolérance. Elle est profondément humaniste et bienveillante. Paris, c’est la « Ville Lumière ». L’obscurantisme, le rejet des différences et la haine de l’autre n’y auront jamais leur place. Le fait qu’il y ait une communauté LGBT qui est chez elle à Paris est un élément essentiel du vivre ensemble. Elle participe au dynamisme de notre ville. Je suis convaincue, en effet, que cela contribue à donner une image positive de notre belle ville à travers le monde. Je forme le vœu que beaucoup d’autres villes s’inspirent de Paris.